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Le blog de Joss Beaumont
21 mai 2013

Tati sur la Croisette

 

Jourdefête

« Jour de fête » en projection à Cannes 

Démobilisé en 1943, Jacques Tati se retrouve avec Henri Marquet (dessinateur/scénariste) dans le village de Sainte-Sévère-sur-Indre. Les deux hommes vont écrire ensemble un scénario puis réaliser un court-métrage qui s’intitule « L’Ecole des facteurs ». Il servira de base au futur « Jour de fête ». 70 ans plus tard, une copie d’origine restaurée par Les Films de mon oncle a été projetée cette semaine durant le 66ème  Festival de Cannes. Et cet été, une ressortie est prévue dans les salles de cinéma autour du 24 juillet. On doit cette renaissance numérique à Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff qui sont devenus, au fil des années, les plus acharnés défenseurs et propagateurs de l’œuvre  Tatiesque. Le réalisateur avait démarré son tournage en mai 1947 dans ce village du Berry mais, faute de distributeur, le film réalisé en deux versions (noir et blanc/couleurs) ne sortira qu’en 1949. Ce fameux retard à l’allumage, signe des génies contrariés. « Jour de Fête » recevra par la suite le Grand Prix du Cinéma Français en 1950. Primé à la Mostra de Venise, ce film champêtre et burlesque fera même un triomphe à travers le monde entier grâce à son langage universel. Les étrangers associeront à tout jamais François, le héros funambule des campagnes, à une France rurale et éternelle. Le facteur à bicyclette, une icône frenchy de l’après-guerre aussi emblématique que Maurice Chevalier et son canotier ou Edith Piaf et sa petite robe noire. Les cabrioles de François vont cependant bien au-delà de l’exploit physique, il y a de la poésie et du romanesque dans ses numéros d’équilibriste. Tati enchaînera par « Les Vacances de Monsieur Hulot », prix Louis Delluc, prix de la critique internationale à Cannes, prix Femina à Bruxelles, prix au Festival de Berlin et même une nomination à Hollywood. Avec Hulot, Tati avait trouvé un personnage à sa démesure. Il trace alors le même sillon que Chaplin avec Charlot. A chaque film, Tati aborde avec sensibilité et sagacité un sujet de société, les congés à la mer dans « Les Vacances de Monsieur Hulot », l’habitat moderne dans « Mon Oncle » (Prix Spécial du Jury à Cannes et Oscar du meilleur film étranger en 1959). Puis, c’est le douloureux épisode « PlayTime », son film le plus personnel, le plus abouti, son Metropolis. « Jour de Fête a coûté 17 millions, en a rapporté 80. Les Vacances de Monsieur Hulot ont coûté 120 millions et en ont rapporté 210. Mon Oncle a couté 250 millions et en a rapporté 600. Je me suis dit : « Ah non ! Ca a marché, j’ai une belle maison à Saint-Germain, il y a du répondant, il faut y aller. J’ai donc commencé à construire ce fameux décor, et PlayTime a coûté 1 500 millions et a eu un déficit de 800 millions » dira-t-il, un brin désabusé. En effet, Tati avait vu (trop) grand en construisant un décor en béton, acier et verre près de Vincennes.  « PlayTime », œuvre monumentale au format 70 mm, sera un échec commercial. Tati a presque tout perdu, il doit liquider sa société de production Specta-films et abandonner ses droits. Même le décor magistral de cette ville imaginaire dont la construction avait duré six mois, est détruit. Il faudra attendre 1971 pour que Tati tourne une suite des aventures de Monsieur Hulot dans une production hollandaise.  « Trafic » reprend des thèmes qui lui sont chers, ceux de l’incompréhension entre les hommes et des dérives du modernisme. La bande-annonce met en exergue cette phrase « On ne fait pas toujours ce que l’on veut avec la mécanique ». Tati croque nos comportements absurdes au volant. Pour parvenir à ce résultat, il a une fois de plus beaucoup observé : « avant de faire ce film, j’étais resté un dimanche matin pendant deux heures sur un petit pont de l’autoroute de l’Ouest. J’ai vu partir tous les parisiens à la campagne et pendant deux heures, je n’ai pas vu un seul conducteur sourire ». A vélo ou en auto, il faut revoir le cinéma singulier de Tati pour son esthétisme flamboyant, sa nature gaguesque, son désenchantement joyeux, son œil visionnaire et ce charme indéfinissable qu’on appelle le style et que les jeunes nomment désormais le swag. Tati, habitué aux anglicismes, avait sans aucun doute du swag !

 

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